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Suburra
Alors que le monde entier se paluche sur des guignols en pyjamas, soldats asthmatiques et autres peluches de l'espace, un film italien qui aurait mérité une grosse promotion sort dans l'indifférence quasi générale. Triste monde...
Obligé de penser à Gomorra en matant ne serait-ce que la bande annonce: l'Italie, la mafia, Sollima (c'est le réal de la série), obligé d'aller le voir donc.
Résumé:
L'histoire, qui se déroule sur 7 jours, se concentre sur la concrétisation d'un projet immobilier sans précédent à Ostie, une station balnéaire au sud de Rome. Néanmoins pour se concrétiser, ce projet de très grande envergure, doit compter sur un apport financier du Vatican, le passage d'une loi sur les casinos et éviter toute guerre de gangs. Pourtant en ces temps d'instabilité politique et religieuse, rien n'est moins sûr. Le "Samouraï", un mafieu garant des "familles" du sud, est mandaté pour mener à bien ce projet, coûte que coûte.
Le trailer officiel
J'aime bien les Ritals. Ils ont beau avoir une réput' de gens un peu fourbes, un peu racistes (comme tout méditerranéen qui se respecte), limite un peu pédés (après tout Farinelli n'était pas allemand), ils ont un putain d'héritage culturel, accouché des plus grands peintres de l'histoire et sont à l'origine du plus célèbre empire de tous les temps. En plus leurs meufs sont belles. Mais surtout, vu que les mecs sont des queutards invétérés et qu'ils crient plus qu'ils parlent (avec les mains qui plus est), en vrai c'est un peu les Renois de l'Europe lol. Et puis plus sérieusement, ils ont un putain de patrimoine cinématographique.
Sebastiano (Elio Germano), promoteur de soirée criblé de dettes
Déjà, ce que j'aime bien avec leurs films, c'est que même les figurantes sont bonnasses.
Du coup ceux qui ont vu le film me prendront peut-être pour un obsédé (à juste titre) mais dès les premières minutes ma pensée première à été: "putain, j'aurais dû faire de la politique en vrai". Et puis 10mn après " Euh en fait non."
Comme Gomorra, il ne faut pas trop chercher de romance dans ce film (bien qu'il y en ait une). Suburra est dur, âpre, violent. On y suit une guerre entre plusieurs "clans" sur fond d'acquisitions immobilières frauduleuses, de lobbying pour le vote d'une loi douteuse et de financements occultes.Malgradi (Pierfrancesco Favino), un député forcé de faire voter la loi au parlement
Franchement le début est un peu déstabilisant avec tous ces protagonistes, chacun acteurs à leur niveau de la concrétisation d'une "affaire" qui les dépasse presque tous.
Avec sa construction narrative assez particulière (sous forme de "tableaux" chronologiques), le film m'a bizarrement fait penser au Salo de Pasolini alors qu'il n'y a pourtant pas vraiment de rapports.
"Numero 8" (Alessandro Borghi), le roi de l'Ostie
Bien que l'on se focalise principalement sur deux clans, l'implication des autres acteurs tels que les politiques et le clergé n'est jamais gratuite. Et là où les scénaristes ont fait très fort c'est qu'ils ont très bien su amener l'histoire à une dénouement somme toute assez logique concernant l'imbrication des différentes sous intrigues et sur la spirale dans laquelle tous les protagonistes seront entrainés.
Sabrina, une malheureuse escorte prise au piège
A ce jeu là les personnages sont très solides et complexes (dont plusieurs personnages féminins), à la fois très fourbes mais aussi très touchants. Du coup, on finit par éprouver une certaine sympathie pour la plupart, du politicien véreux à l'escort girl, du plus cruel au pire des lâches. Et comme dans la nature, ce ne sont pas forcément les plus forts qui sont voués à survivre.
Bon, le film n'est pas exempt de défaut. Bien qu'il soit assez magnifique sur le plan formel, Sollima part parfois dans des dérives stylistiques un peu too much par moments (notamment au détour d'une scène de cul archi tape à l'oeil et d'une musique trop présente qui donne un cachet un peu "glamour" à une histoire qui n'en demandait pas tant).
Aureliano "n°8" et Viola (Greta Scarano), un couple totalement incontrôlable
De la même manière, malgré ses 2h15, l'histoire pose des bases tellement importantes qu'elle donne un sentiment d'inaccompli au niveau de certaines situations (particulièrement au niveau de l'implication du Vatican). De ce fait, la conclusion semble un peu précipitée.
Néanmoins ça ne gâche pas vraiment le plaisir de voir un si beau film, et je me demande toujours pourquoi, alors que tous nos voisins (oui TOUS, même les Belges, suffit de voir Bullhead) sont capables de sortir des purs trucs genre polars urbains crépusculaires ou drames policiers, en France on est toujours autant à la ramasse. C'est fou ça.Côté distrib c'est le top, les acteurs sont tous excellents, et ça fait plaisir de retrouver Pierfrancesco Favino (alias Le Libanais dans Romanzo Criminale), le vétéran Claudio Amendola (La Scorta) et même Jean Hugue Anglade en homme d'église (!!)
Impeccable sur le plan scénaristique et formel, Suburra est probablement le dernier gros film que je verrai cette année. Pas un chef d'oeuvre absolu mais quand même un très beau film, très très bien écrit, à la fois très sombre et très humain sur une affaire tellement énorme qu'elle engloutira tout le monde dans ses abysses. Un film sans concession qui nous décrit une fois de plus une société italienne gangrénée par la pourriture à tous les niveaux.
Le "Samouraï" (Claudio Amendola), garant de la concrétisation de "l'affaire"
Un film dense, intense, avec une dimension quasi mythologique, sombre et totalement envoutant.
Ah ouais bonne nouvelle: vu que la saison 2 de Gomorra semble compromise (les maires ont refusé les autorisations de tournage à Naples, on se demande pourquoi lol), on va pouvoir se consoler avec la déclinaison de Suburra en une série de 10 épisodes, le tout distribué par Netflix
Tags : Suburra, Romanzo Criminale, Gomorra, Mafia, Rome, Polar, Drame, Film, Série, Stephano Sollima
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